Récits

Monflanquin-Marseille à vélo

Le périple de deux jeunes du Monflanquinois

Quarante-cinq ans après le périple cycliste de Pierrette Weick, voici à nouveau deux monflanquinois qui ont décidé sur un coup de tête de partir pour un voyage au long cours. Nous vous présenterons chaque jour leur récit et leurs images.

Bonne route Cyril Bonnal et Yvon Bertholom !

4 octobre 2023 – Jour 1 :

Sur le Cap, par une vue brumeuse surplombant la vallée monflanquinoise, nous avons lancé notre départ. Des amis nous ont fait l’honneur de nous pousser pour ce départ. Les premiers kilomètres se font sentir dans les mollets d’Yvon mais c’est sans compter sa motivation. Après Villeneuve, les alternatives à la quatre voies sont des côtes bien raides. Pujols nous aura mis à l’épreuve. Yvon manque de se faire mordre par un énorme chien perdu. Arrivés sur le plateau, le plus dur est fait. Nous descendons tranquillement sur Agen et son canal. Pour réparer une béquille, je découpe la poignée d’un vieux sac laissé sur un banc, le sac était en fait à une dame qui était assise non loin de là. Nous nous faisons accueillir par M. Raphaël Cornu, cycliste et monflanquinois, qui nous soutient dans cette épreuve. Un bon petit resto sicilien, un bon dodo et nous voilà repartis.

5 octobre – Jour 2 :

08h00. Raphaël qui partait au travail nous met à la porte. Nous voilà partis en quête d’une chocolatine, le canal n’a qu’à bien se tenir. Après quelques coups de pédale, nous voilà déjà bien avancés, nous mettons un peu de musique sur notre enceinte portative pour égailler la course, Tom Petty et Clapton nous accompagnent durant quelques morceaux. Nous voici encore sur le canal. Nous décidons d’aller à la rencontre d’une boulangerie pour acheter un bout de pain qui accueillera un pâté fameux. Fermée ! Décidément, la crise n’échappe pas à ces petites bourgades. Nous rencontrons un autre voyageur à vélo. Thierry, ancien militaire au service des renseignements, nous raconte ses aventures passées. Dans l’après-midi, nous nous arrêtons dans un bar, Cyril ne savait pas que dans le panaché il y avait de l’alcool. La cure commence bien, ça promet. 100 km parcourus, nous décidons de camper au bord d’un lac. La nuit tombe et nous faisons un petit feu de camp. Il est l’heure d’aller au lit, 20h00 l’insomnie n’aura point lieu.

6 octobre – Jour 3 :

Nous nous levons de bonne heure. Un kilomètre plus tard, Cyril fait demi-tour car il lui manque un bout de béquille. Boulangerie matinale, réparation de la béquille et on repart le long du canal. 40 km plus tard, nous arrivons à Toulouse. Spécialité culinaire, le « Maître Kebabier » stabilise nos calories perdues. Mathilde, une amie, nous accueille dans sa vieille demeure bourgeoise. Concert de Hardcore ou soirée de repos ? Le choix sera crucial pour la suite du périple. Nous craignons un départ difficile pour demain. 

7 octobre – Jour 4 :

09H00. Départ pour la journée. Mathilde nous accompagne sur les 15 premiers kilomètres. Le canal n’a plus de secret pour nous. Nous avalons les kilomètres autant que le magret de la veille. A l’avenir, les pauses ne se feront pas aussi goulûment. La selle a du mal à tolérer les effluves d’un tel repas. Nous commençons à reconnaître la fatigue et à préserver notre énergie. Tels des sportif pros, nous faisons des courses saines : barres énergétiques, tisanes et puis c’est tout. Le repas de ce soir sera finalement du cordon bleu. Mine de rien, nous avons parcouru 85 kilomètres. Nous nous posons au bord d’un lac et admirons de loin un bar ambiancé qui nous fait de l’œil. Ce n’est pas le moment de craquer. Nous nous reposerons sereinement. Nous dormons à Bram.

8 octobre – Jour 5 :

Après avoir bien récupéré, non « dormi » au bord d’un lac, qui en fait était aussi au bord d’une voie ferrée, nous entamons notre épopée vers des terres plus sèches. Nous parcourons des chemins sinueux et dangereux. Yvon manque de terminer sa course dans le canal et tombe dans une descente. Plus de peur que de mal. Nous décidons d’aller manger dans la cité de Carcassonne. Galette de blé, agneau sauce du Moyen Orient, patates, salade, tomates et oignons nous rendent la peau du bide bien tendue. Nous décidons de quitter le canal pour découvrir de nouvelles routes. Erreur. Nos pneus ne sont points adaptés, pas de suspensions, nos vélos prennent des coups rudes, les chemins deviennent ravins, les ravins deviennent un enfer. Nous décidons de retrouver prestement le canal et nous remettons nos idées d’aventure à plus tard. Le canal, charmant mais caillouteux, n’a pas épargné Cyril qui lui aussi se casse la gueule. Petite pause au bord du canal où coca et diabolo grenadine ne se font pas attendre. Nous finissons la journée au milieu des vignes. Nous humons cet air marin, la mer devrait pointer le bout de son nez demain soir.  Nous dormons à Paraza.

9 octobre – Jour 6 :

Nous reprenons la route hors du canal. Nous planifions notre itinéraire et passons à proximité de villages de plus en provençaux. Cette chaleur harassante nous donne soif. Les routes sableuses ne ménagent guère nos montures. Le sable dans nos rouages met rudement notre endurance à l’épreuve. Nous nous arrêtons pour manger à la terrasse d’un café. Sous ces magnifiques platanes, nous reprenons force et énergie. Maintenant, direction la mer qui nous attend, bleue, ensoleillée et encore bien chaude pour un début d’automne. Nous trouvons un camping ouvert, nous décidons d’y passer la nuit pour regagner en confort et en énergie. La réception est fermée, nous songeons à partir. Et puis, à quoi bon, il y a des douches, aucun vacancier, de l’électricité et l’eau chaude. Nous nous sentons ici chez nous. Nous verrons demain. Peut-être que partir à l’aube nous permettra d’échapper à une modeste facture et la colère du gardien. Nous dormons à Marseillan plage.

10 octobre – Jour 7 :

Cyril se lève à l’aube. Sa radinerie le réveille tôt. Nous décidons de partir fissa du camping qui apparemment n’accepte pas de tente. Un simple bonjour à la réceptionniste et nous voilà de nouveau en chemin tel des fugitifs en fuite. Le ciel est gris, il a plu quelques gouttes cette nuit. Nous longeons la mer et les dunes, le sable s’engouffre dans nos rouages. Nous décidons de passer par un garage, histoire de lubrifier le tout. Quelques montées nous font vite regretter la platitude du bord de mer. Nous y retournerons très vite. De magnifiques pistes longent un immense canal. Nous nous arrêtons à Palavas Les Flots pour recharger les batteries. Direction la Camargue, nous passons un pont et nous voilà en région PACA. Marseille n’est plus très loin. Une poussée d’énergie prend Yvon qui se met en tête d’atteindre Marseille demain. Nous prenons la direction des Saintes-Maries-de-la-Mer, 80 km… Les jambes tiendront bien 25 km de plus… Nous rejoignons un camping afin de prendre soin de nos montures corporelles. Nous l’avons atteint, cet objectif des plus de 100 km.  Fierté et fatigue se mélangent. Nous dégustons un poulet avec des haricots verts et partons nous coucher.

11 octobre – Jour 8 :

Au départ de cette épopée, un simple échange entre copains :

  • J’aimerais bien aller boire un verre de Ricard sur le vieux port à Marseille.
  • Et si on y allait en vélo ?
  • Les deux lascars ont appelé leur périple « Ricard Race 2023 »

12 octobre – Jour 9 :

Dernière ligne droite avant notre récompense. Un rhume pour Yvon ne l’aide pas à finir ce voyage. Cette dernière étape était sûrement une des plus dures. Nous poussons les vélos plusieurs fois car les routes sont pentues et très fréquentées. Plus nous nous rapprochons de Marseille et moins les routes sont agréables. Nous traversons aussi plusieurs villes côtières, en longeant les ports et en slalomant autour des mouettes. Arrivés sur le plateau, nous entrons en ville, le panneau Marseille est juste en face de nous. Cyril s’arrête et Yvon le dépasse car il ne l’a pas vu. Peut-on dire qu’il a gagné la course ? Mais notre objectif n’est pas là, il faut trouver le vieux port. Pendant 30 minutes la route ne fait que descendre. C’est une belle récompense après tant d’efforts fournis jusque-là. Nous y sommes, le vieux port est là en face de nous, autour de nous. Nous nous croyons dans un rêve. Nous nous arrêtons au premier bar venu. En terrasse, nous essuyons un refus de nous servir un Ricard. Marseille est la ville du Pastis. Choqués, nous tentons dans un autre endroit. Soleil puissant, accent bien prononcé, on nous sert ce qui marque la fin de notre périple audacieux. Soulagement, fierté et légère nostalgie se mélangent dans un délicieux cocktail anisé. Nous en prendrons trois. La suite de l’aventure, et peut être la plus dure à encaisser, sera la soirée qui en découle : Ricard, bière, pogo, slam… Nous retrouvons nos marques parmi la civilisation. Cette jungle urbaine n’est pas, pour nous, de tout repos. C’est avec plaisir que nous retournerons en train dans notre contrée très chère à nos yeux, la tête remplie de souvenirs et de fierté d’avoir accompli un beau défi.

 « Le voyageur voit ce qu’il voit, le touriste voit ce qu’il est venu voir »

Citation de Gilbert Keith Chesterton

Fin