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La ferme des 5 vaches à Gavaudun

Nous partons à la découverte de Galatée et Simon à la Ferme des 5 vaches, nom choisi en opposition à la ferme des 1000 vaches – une exploitation agricole industrielle dans la Somme qui correspond au modèle agricole opposé. Et pour l’anecdote, nos deux protagonistes ont bel et bien commencé leur aventure avec… 5 vaches.

Vous rappelez-vous de l’entretien avec Marion Debats (numéro de septembre 2022) ?
Et bien on retrouve chez Galatée et Simon beaucoup de similitudes quant aux motivations profondes, aux valeurs qu’ils donnent à leurs actions et à leur travail.
J’arrive chez eux un soir de semaine, en me perdant dans les coteaux de Gavaudun. Purée, ce que les paysages sont beaux par ici : des collines qui ondulent, des bois et des prairies. Au détour de la petite route empruntée, leur ferme se trouve sur la gauche.

Un chien âgé m’accueille en aboyant tout ce qu’il peut, sans faire de mal à une mouche. Et puis, je vois les vaches. Tiens, c’est drôle, elles sont de toutes les couleurs ! J’en vois des marron uni, des noir et blanc et des marron à taches blanches. J’apprendrai qu’il s’agit de Brunes des Alpes, de Monbéliardes et de Blondes d’Aquitaine. Tout d’un coup, un troupeau de moutons traverse le chemin d’un seul bloc, comme un nuage qui se déplacerait dans le ciel. Grégaires, les moutons, ce n’est pas qu’une réputation !
J’aperçois quelques chats lorsqu’un magnifique cheval de trait à la crinière blonde passe sa tête à travers une fenêtre dans un mur de pierres. Pas d’humain à l’horizon, par contre.

Je prends mon téléphone. « On est à la filature ! Dans la vallée de Gavaudun. On installe des clôtures mobiles, descends ! » Me voilà repartie. Après avoir contourné l’église de Laurenque, j’arrive dans le fond de vallée humide et ombragé de Gavaudun et je rencontre Galatée, Simon et Polka (leur chienne). Très vite, ils m’expliquent qu’ils font pâturer leurs animaux dans toute la vallée, suivant la saison. Les prairies ont été achetées par le Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) et ils ont signé un bail rural à clause environnementale. « C’est gagnant-gagnant, m’explique Galatée. Nous, ça nous fait de la très bonne herbe à volonté pour nos vaches, ainsi que de l’eau. Et grâce à nos animaux, on rouvre des milieux. Pour le CEN, c’est intéressant car la vallée de Gavaudun accueille la deuxième plus grande nurserie d’Europe de chauve-souris. Ces animaux ont besoin d’un milieu ouvert et de manger des insectes. Nos vaches font des bouses, qui attirent les insectes, qui nourrissent les chauve-souris. Le cycle du vivant, en somme. Nous faisons des minis-transhumances : en été, on fait pacager nos vaches dans le fond de vallée où il fait bon et en hiver, on les remonte sur les coteaux qui eux, sont trop secs en été mais restent verts et portants en hiver. Alors que le fond de vallée serait trop humide et le piétinement des animaux abîmerait le sol en hiver. Notre contrat avec le CEN comporte des clauses environnementales qui ne nous bloquent pas vu notre philosophie et la façon dont on travaille. » Très vite, je comprends par leurs actes et leurs discours le sens de leurs actions et le lien très profond qui les unit au monde vivant, animal ou végétal. Je trouve ça vraiment beau !

La ferme des 5 vaches à Gavaudun

Après avoir rempli l’abreuvoir des vaches, Galatée gratouille ses vaches. « Si tu veux te faire copain avec une vache, tu la gratouilles ici, sur le dessus de la queue, à un endroit où elle ne peut pas se gratter toute seule. » À plusieurs reprises, je la vois faire des câlins à ses animaux. « Dans le lot, il y a deux petits veaux qui deviendront des bœufs, m’explique-t-elle. On a déjà un taureau très gentil, Ouaouaron, donc on va castrer ces deux veaux pour en faire de vrais bœufs. Ils pourront rester avec le taureau sans entrer en concurrence puisqu’ils ne seront pas reproducteurs. Un taureau n’aime pas être seul mais ne supporte pas de concurrent non plus. Le but premier, en étant paysans, c’est de bien nourrir nos animaux, de bien se nourrir et de bien nourrir les gens ! »

Au fur et à mesure de nos échanges, ils m’expliquent tous les deux qu’ils s’inscrivent et se battent pour une agriculture paysanne alors que le modèle agricole dominant, à l’heure actuelle, est celui d’une agriculture intensive et industrielle. Galatée et Simon travaillent des terres qualifiées de « pauvres » par l’agriculture intensive car difficile d’y faire autre chose que de l’élevage ou de la forêt. Ils m’expliquent le cercle vertueux. Les vaches mangent de l’herbe, une ressource naturelle qui n’est pas assimilable directement par les humains et qui couvrent beaucoup de territoire. Les prairies sont bénéfiques pour la biodiversité et la vie du sol. Avec le lait de leurs animaux, ils font des fromages frais, de saison, des lactiques, de la tomme, du fromage blanc et des yaourts. Ils vendent également de la viande au détail, tout en circuit court et en agriculture biologique. Depuis plusieurs mois, ils se mobilisent avec d’autres éleveurs pour la création d’un abattoir mobile en Lot-et-Garonne. « Nous, on offre à nos animaux la meilleure vie possible qu’ils puissent avoir sur la ferme, une vie de sociabilisation, de grand air en respectant leurs besoins biologiques. Les animaux ne sont jamais partis de la ferme. » Ils m’informent aussi que si on laisse les terres et le souci de l’alimentation aux mains des industriels, c’est dangereux, car on risque de perdre notre autonomie alimentaire et, d’autre part, c’est la viande cellulaire qui est à l’étude en ce moment. C’est-à-dire une alimentation déconnectée du vivant, entièrement produite en laboratoire comme n’importe quel objet manufacturé.
« L’élevage, c’est aussi tout un savoir-faire et des connaissances liées aux animaux et aux interactions avec les humains que l’on perpétue. »

Retrouvez La Ferme des 5 vaches sur les marchés de Villeréal le samedi matin et de Saint Sylvestre le mercredi matin.

Lucile Moreau pour Sous Les Arcades N°685 (novembre 2022)

Jusqu’à ce que la mort nous sépare

Documentaire de Fanny Fontan

Si la notion de bien-être animal a le vent en poupe, la fin de l’élevage intensif est loin d’être actée. Certes, des alternatives existent déjà, parmi lesquelles l’agriculture paysanne. Des centaines d’éleveurs s’efforcent chaque jour de mettre soin et sens au cœur de leur démarche, mais ont rarement la possibilité de le faire jusqu’au bout. La France compte 250 abattoirs dont la concentration géographique implique éloignement, transport et attente pour les animaux. Soit l’exact inverse de ce que ces éleveurs veulent pour leurs bêtes. Depuis avril 2019 et la parution du décret d’application de l’article 73 de la loi EGAlim, les éleveurs français ont le droit d‘expérimenter pendant quatre ans des outils d’abattage mobile. Une victoire importante pour la Confédération paysanne et les associations comme « Quand l’abattoir vient à la ferme » qui militent en ce sens depuis des années. Mais tous les éleveurs n’y ont pas encore accès. Jusqu’à ce que la mort nous sépare, dresse le portrait d’un couple de paysans installé dans le Lot-et-Garonne qui revendique le droit à une mort digne pour ses animaux.

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