Dossiers spéciaux

Les initiatives solidaires pendant le confinement #1

Les fidèles lecteurs de Sous les Arcades remarqueront que je suis un nouveau venu dans l’équipe de rédaction et je voulais profiter de ce premier article pour me présenter brièvement. Fils et petit-fils d’agriculteurs, j’ai grandi dans le Monflanquinois et comme tous les jeunes de ma génération, j’ai été élève au collège du Cap del Pech. Je ne savais pas à l’époque, que les listes de verbes irréguliers apprises par cœur dans les cours d’anglais de Monsieur Albesa allaient autant me servir puisque j’allais habiter à l’étranger pendant plus de 20 ans et sillonner le monde pour exercer mon métier dans la langue de Shakespeare. Durant ces années, je suis resté très attaché à Monflanquin et j’ai été un fervent ambassadeur de mon village que j’ai été fier de faire découvrir à de nombreux amis venant des quatre coins du monde. Cet attachement me ramène aujourd’hui vers notre bastide que je suis heureux de retrouver avec des yeux d’adulte qui me permettent de pleinement apprécier la valeur de notre terroir local.


« Le Monflanquinois solidaire »

Renforcer les liens entre les Monflanquinois et leurs producteurs,
artisans et commerçants locaux

Au mois de mars dernier, nos déplacements ont brutalement été limités par les mesures de confinement mis en place pour contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19 et nos habitudes de consommation ont été complètement chamboulées. En temps normal, je me fournis en fruits et légumes frais auprès des producteurs présents sur le marché de Monflanquin mais le rendez-vous hebdomadaire était maintenant remis en cause* (NDLR : Le marché a finalement pu être maintenu) et je n’avais aucune envie de me ravitailler uniquement en grande surface alors que les producteurs se retrouvaient avec des stocks qu’ils ne pouvaient plus écouler. Il m’est alors paru logique de privilégier les circuits courts en achetant des produits sans intermédiaire mais j’ai réalisé que je connaissais peu de producteurs travaillant en vente directe autour de Monflanquin. Ce constat m’a paru assez incohérent alors que nous avons la chance de vivre dans un département rural où 7 200 exploitations agricoles offrent une production riche, variée et de qualité. C’est en partant de ce constat que j’ai décidé de créer une plate-forme de mise en contact entre les producteurs et les consommateurs au niveau local.


Cette initiative a pris la forme d’un groupe Facebook appelé ‘’Le Monflanquinois solidaire’’ et qui évolue autour de trois axes. Le premier objectif du groupe est de faire découvrir les producteurs locaux aux personnes souhaitant consommer en vente directe, il a ensuite pour vocation d’inciter les habitants de nos communes à consommer dans les commerces de proximité pour soutenir nos commerçants, artisans et restaurateurs pendant la crise. Pour finir, il met en avant les initiatives citoyennes et solidaires prises par les habitants de notre territoire. Au fil des semaines, l’audience de ce groupe a fortement augmenté, ce qui indique qu’il répondait à un vrai besoin et que les Monflanquinois ont eu le désir de consommer local pendant la crise sanitaire.


J’espère que ce groupe va continuer à évoluer après le confinement et que cette plate-forme va être utilisée pour partager et valoriser les savoir-faire de nos producteurs, commerçants et artisans.


L’entraide au premier plan

Grâce à la solidarité entre Monflanquinois, personne ne s’est retrouvé complètement isolé pendant cette période difficile. Il n’a pas été rare de voir des voisins proposer leur aide aux plus fragiles pendant le confinement pour, par exemple, faire leurs courses, passer à la pharmacie ou acheter du pain. Par ailleurs, une quinzaine de volontaires se sont spontanément manifestés auprès de la mairie pour épauler les agents communaux qui ont apporté leur aide aux personnes les plus isolées de la commune.
La presse locale a également relayé les apéritifs ‘’chacun chez soi’’ organisé dans certaines rues de la bastide pour aider à mieux supporter la solitude pendant ces longues semaines.


Nos couturières monflanquinoises (Clémentina, la Boutique Bintou et Lamothe Couture) ont redoublé d’efforts pour pouvoir fournir un masque en tissu pour chaque habitant du village. Ces masques ont ensuite été distribués gratuitement par la mairie les 7, 8 et 9 mai.
Soulignons aussi les efforts de nombreuses couturières solidaires qui, à titre individuel, ont fabriqué des masques en tissu de manière bénévole pour leurs voisins et amis mais aussi pour le personnel soignant ou les résidents de l’Ehpad.


La force d’adaptation des producteurs locaux

Dès le début de la crise sanitaire, les consommateurs confinés ont souvent privilégié l’achat de produits locaux en circuit court, cette forme de consommation étant très intéressante puisqu’elle permet, entre autres, de renforcer les liens entre producteurs et consommateurs qui peuvent acheter des produits de saison et de qualité au juste prix à côté de chez eux. Rappelons que les produits hors-saison viennent de loin et que leur transport laisse des traces sur notre environnement. Localement, cette démarche peut aussi permettre de créer des emplois puisque les producteurs doivent développer de nouveaux circuits de distribution comme les livraisons de cagettes ou la création d’une boutique par exemple. Les producteurs implantés sur notre territoire ont été nombreux à faire preuve d’une remarquable capacité d’adaptation et ont multiplié les initiatives de vente directe pour s’adapter à la demande et compenser l’effondrement des commandes. Sur notre secteur, nous pourrions citer de nombreux exemples de producteurs qui ont organisé un ‘’drive’’ à la ferme ou ont livré leurs produits mais nous vous laissons retrouver la liste complète sur le groupe Facebook ‘’Le Monflanquinois solidaire’’. (lien ci dessous)

https://www.facebook.com/groups/501646737179613

À titre d’exemple, je me suis entretenu avec Cyril Orlando, producteur de poulets fermiers à la ferme de Lacassenade à Paulhiac. Cyril a participé à la mise en place d’une initiative particulièrement adaptée aux circonstances de ces derniers mois puisqu’il s’est associé avec six autres producteurs locaux pour proposer une gamme de produits variés (poulets fermiers, fromages, légumes de saison, pâtes bio, lentilles bio, farine, lait de chèvre et pâtés) et organiser une tournée deux fois par semaine pour se rapprocher des habitants des communes du secteur en leur évitant tous déplacements inutiles. La tournée a notamment desservi les villages de Monflanquin, Paulhiac, Cuzorn, Lacapelle-Biron, Salles et Lacaussade. Cette initiative s’arrête avec la fin du confinement mais elle a été très bien reçue par les habitants car elle répondait à un vrai besoin. Les producteurs espèrent que ces initiatives leur auront permis de faire connaître la qualité de leurs produits.


Chaque crise apporte son lot d’opportunités et nous espérons que l’épreuve de ces derniers mois nous aura donné l’occasion de (re)découvrir nos producteurs locaux et que nous continuerons à apprécier la qualité des produits de notre terroir pour leur permettre d’exister dans une industrie alimentaire globalisée.


Les commerçants de Monflanquin
face aux défis du confinement

Le 16 mars dernier, les Français rivés à leurs téléviseurs, apprenaient le début d’un confinement qui sera mis en place sur l’ensemble du territoire dès le lendemain à midi.


Depuis quelques mois déjà nous entendions parler d’une épidémie de coronavirus, d’abord présente en Chine puis beaucoup plus proche de nous en Italie, mais il était encore difficile de réaliser que cette pandémie se propagerait bientôt dans l’hexagone et qu’elle allait si profondément impacter notre quotidien.

Cette annonce était attendue mais elle est tombée comme un couperet pour la majorité des commerçants de Monflanquin qui ont dû faire face à une interdiction d’accueillir le public et qui se sont retrouvés dans l’obligation de fermer leurs portes jusqu’à nouvel ordre pour permettre d’endiguer la contamination du virus. Ici comme ailleurs, grand nombre de commerces ont dû brutalement stopper leur activité et se sont retrouvés devant un futur incertain. Certains ont pu rester ouverts, d’autres ont dû faire preuve de créativité et ont su adapter leurs services pour pouvoir protéger leur clientèle, leurs salariés et l’avenir de leur établissement.


Les commerces de première nécessité tel que la pharmacie, les commerces alimentaires comme la boucherie Andrieu ou les boulangers, les deux bureaux de tabacs, les garages automobiles et les banques ont pu continuer à accueillir le public en aménageant leurs espaces pour respecter les nouvelles mesures d’hygiène et en limitant le nombre de personnes présentes dans les boutiques.


Les épiceries de la bastide ont fait les changements nécessaires pour pouvoir continuer à nous servir pendant cette période particulière. L’épicerie gourmande a fermé son magasin de la rue Saint-Pierre mais a très rapidement mis en place un service de ‘’Drive’’ les jeudis et dimanches matin. Chaque semaine, une liste des produits bio disponibles a été communiquée et les clients ont pu passer commande et récupérer leur panier de fruits et légumes sur la terrasse du magasin. Les produits de la savonnerie Saponaire voisine ont aussi été mis en vente par cet intermédiaire pour limiter les contacts. De son côté, l’épicerie Perez-Malbec est restée ouverte sur le tour de ville et a proposé un service de livraison gratuit sur toute la commune pour aider nos aînés et ceux qui ne pouvaient pas se déplacer. Le supermarché Casino a, quant à lui, aménagé ses horaires d’ouverture et mis à disposition du gel hydro-alcoolique et des lingettes désinfectantes à l’entrée du magasin pour assurer la sécurité de ses clients. Un service de ‘’Drive’’ a également été proposé aux personnes préférant passer leur commande par Internet sans avoir à entrer dans le magasin.


Les trois boulangeries du village se sont, quant à elles, adaptées pour répondre à nos besoins en modifiant leurs horaires et leurs jours d’ouverture pour s’assurer que nous ayons du pain frais du lundi au dimanche. Les boulangeries Poussou et Andraline ont également effectué des tournées de pain plusieurs fois par semaine dans différents villages du secteur pour limiter les déplacements de leurs clients pendant le confinement.


Le traditionnel marché hebdomadaire du jeudi sur la place des Arcades a tout d’abord était restreint à ouvrir pour sept étals dès le 26 mars, même si à cette date tous n’ont pas pu répondre présents. La municipalité ayant obtenu une seconde dérogation préfectorale à partir du 16 avril, le marché a été étendu à quinze commerçants, au plus grand bonheur des producteurs locaux et des Monflanquinois qui ont fait preuve de civisme en respectant les gestes barrières et les distances de sécurité.


Les restaurants du village ont tous sans exception été dans l’obligation de fermer leurs portes dès l’annonce du confinement mais certains établissements ont innové en proposant un service de commande à emporter. Ainsi, la pizzeria La Baldoria nous a permis de commander des pizzas à emporter dès le début du confinement, la terrasse des Arts’cades nous a proposé plusieurs plats du jour midi et soir sept jours sur sept et le Bistrot du Prince Noir a concocté un menu de hamburgers et plats à récupérer sur place plusieurs soirs par semaine. Le restaurant La Marmaille a quant à lui proposé des burgers et des plats originaux à emporter chaque weekend : moules-frites, bœuf-bourguignon ou paella étaient par exemple au menu.


D’autres commerçants ont pris des initiatives originales pour continuer à accompagner leurs clients. La boutique de mode ‘’Mes poignets d’amour’’ sur la place des Arcades a ainsi exposé ses vêtements sur son site Internet en proposant de livrer sa clientèle locale à domicile pendant le confinement. Les clientes les plus éloignées se sont vues proposer une livraison gratuite par la poste dès le 12 mai. Par ailleurs, le salon de tatouage et piercing ‘’Dans l’Antre’’ sur la rue St Pierre a, de son côté, proposé à ses clients de travailler sur leurs futurs tatouages à distance pour pouvoir reprendre les rendez-vous au plus vite dès la réouverture.


A l’heure où nous écrivons ces lignes, les commerces ont pu ouvrir le lundi 11 mai mais les bars et restaurants restent fermés jusqu’à nouvel ordre. Nos commerçants, artisans et restaurateurs font de leur mieux pour s’adapter à ces circonstances exceptionnelles mais avec une saison touristique qui s’annonce difficile, ils font face à des lendemains incertains et ils comptent sur notre soutien pour maintenir leur activité après cette crise qui aura des conséquences économiques importantes. La pérennité des boutiques de la bastide dépend de nous tous et en temps de crise, consommer dans nos commerces de proximité est plus que jamais un acte citoyen.


Frédéric Palazy – SLA n°653-654-655 Mars-Avril-Mai 2020

Photo du marché : Diana Whitworth-Le Doaré