Dossiers spéciaux

Enquête confinement #1 dans le Haut Agenais

photo du marché de Monflanquin pendant le premier confinement

Au mois d’avril, nous avons lancé une enquête à destination des habitants du Haut Agenais pour évaluer l’impact de la crise sanitaire sur notre territoire. Cette période inédite a pu profondément changer nos comportements, nos habitudes mais a aussi révélé des aspects de notre société. L’enquête nous a permis de savoir comment était vécu ce confinement dans un milieu plutôt préservé du virus mais qui a des spécificités bien particulières. Si les questions de mobilité et d’isolement étaient présentes avant cette crise, le confinement a exacerbé notre besoin de nous déplacer pour nous nourrir mais pas la sensation d’isolement. Espérons qu’il en résulte une meilleure prise en compte des caractéristiques du monde rural.


À la date du 11 mai 2020, l’enquête a regroupé 176 réponses.


1. Renseignements

Les personnes qui ont répondu à cette enquête sont en grande majorité des femmes (71 % ) et 72,2% ont plus de 46 ans. (66-75 ans : 23,3%, 56-65 ans : 22,2%, 46-55 ans : 19,9%, 36-45 ans : 13,1%, 26-35 ans : 11,4%, plus de 75 ans : 6,8%, 18-25 ans : 3,4% ). La répartition des âges est assez représentative de la démographie de notre territoire. Tout comme les catégories socio-professionnelles où les retraités arrivent en tête avec 33%. Viennent ensuite la fonction publique avec 15,3%, les employés avec 13,6%, les artisans, commerçants, chefs d’entreprise avec 13,6%, les professions libérales avec 7,4%, les agriculteurs avec 2,8%, les cadres avec 2,3% et les ouvriers avec 1,7%. Les personnes sans activité professionnelle représentent 10,2%, ce qui est au-dessus de la moyenne nationale.

64,2% des personnes interrogées habitent à Monflanquin, 55,7% vivent à la campagne et 86,9% vivent dans une maison avec un jardin.


2. L’impact du virus

Parmi les réponses au questionnaire, seulement sept personnes, soit 4%, ont été contaminées ou suspectées d’être contaminées par le Covid-19. Une seule personne a été testée. Et 9,7% ont eu un membre de leur entourage touché par le virus.


83,5% continuent à sortir de leur domicile et sans protection pour 38,6%. 27,8% portent un masque et des gants, 24,1% seulement un masque et 9,5% uniquement des gants.

Notre territoire a été peu touché par le virus, ou peu de personnes ont eu des symptômes. Cela se retrouve dans la manière de se protéger face au virus. Près de 40% ne se protège pas. Le peu de cas dans notre département a sans doute eu un impact sur une certaine forme de «sérénité» face à la crise sanitaire.


3. Travail

19,3% de personnes ayant répondu à l’enquête ont eu recours au télétravail. Et 37,1% souhaiteraient poursuivre ce mode de travail.
Seulement 10,8% des personnes ont pu bénéficier du chômage partiel. 31,8% estiment que le confinement a entraîné une perte de revenus pour eux et 14,8% pensent que leur emploi est menacé.


Ces résultats, un peu en trompe l’œil, correspondent bien à la répartition des catégories socio-professionnelles de l’échantillon de l’enquête. Retraités, fonctionnaires, artisans, commerçants, professions libérales, personnes sans activité professionnelle… n’ont pas eu recours au chômage partiel. Mais près de 20% de personnes ayant recours au télétravail est un chiffre tout de même à mesurer. Les entreprises du territoire n’ont pas forcément des secteurs d’activité adaptés au télétravail. Comme les commerces, les artisans, les entreprises de production… Et ce chiffre démontre également une forte capacité de rebondir et de répondre à la situation de crise. Plus d’un tiers des personnes en télétravail souhaitent continuer. Cela pourrait également changer la manière dont on aborde la question du travail dans notre société et bien évidemment sur notre territoire.

L’impact économique de cette crise sur les habitants du territoire se fait ressentir dans l’enquête également avec une perte de revenus mais aussi une certaine inquiétude quant au marché de l’emploi lors de la reprise.


4. Loisir, vie sociale et information

Confinement oblige, les personnes ayant répondu à l’enquête ont adapté leurs moyens de communication. Sans surprise, les appels vidéos font un bond de 40% pendant le confinement. Les personnes interrogées ont également plus privilégié les mails et les réseaux sociaux. Le courrier et le téléphone, quant à eux, baissent légèrement.


Le confinement a également fait évoluer les activités des personnes interrogées. Toutes les activités dites sédentaires ont fortement augmenté. Le jardinage et l’entretien de la maison battent des records mais d’autres activités comme les jeux de société et jeux vidéos, les séries et films ont fortement augmenté.

Concernant les moyens d’informations, on remarque que la crise sanitaire et le confinement n’ont que peu fait évoluer les habitudes des personnes interrogées. Pour une grande majorité, la télévision reste le leader des sources d’information. Viennent ensuite les radios nationales, les sites internet d’information et les réseaux sociaux. Les médias locaux comme Radio 4 ou la presse régionale (La dépêche, Sudouest) sont largement distancés. Le confinement n’a pas changé le classement de ces sources d’information mais a fait évoluer certaines pratiques. La télévision perd 2% mais les sites internet d’information et les réseaux sociaux gagnent respectivement 4 et 7 points. Un véritable indicateur sur la volonté de chercher une information différente lors de cette période de doute.


5. Consommation

Le confinement a eu un fort impact sur la consommation sur notre territoire. Les magasins tels que les supermarchés, épiceries, enseignes spécialisées, discount ont connu un recul important durant cette période, d’après les résultats de l’enquête. Les personnes interrogées ont également moins fréquenté les marchés. Par crainte du virus mais aussi à cause de leur fermeture. Mais c’est la vente directe chez les producteurs qui a profité du confinement puisque c’est le seul mode de consommation ( +20% ). Les producteurs se sont rapidement organisés pour continuer à vendre leurs produits mais aussi en organisant des livraisons. Ces actions leur ont permis de conquérir de nouveaux clients. D’ailleurs 54,5 % ont fait appel à un service de livraison ou drive auprès des producteurs et commerçants. Et 84,7% souhaiteraient que ces services perdurent après le confinement.

Même si les achats auprès des producteurs ont connu une forte hausse, les supermarchés restent quand même le lieu préféré des personnes interrogées pour faire leurs courses.


6. Écoles et enfants

73,9% des personnes interrogées ont des enfants. Et 28,4% ont des enfants qui sont scolarisés. En effet, 60,8% des répondants ont des enfants de moins de 3 ans ou de plus de 18 ans. Néanmoins, 23,9% ont pratiqué l’école à la maison. 51,1% y consacraient entre 1 et 3 heures par jour, 27,7% entre 4 et 6 heures et 21,3 % moins d’une heure.

Pour ceux qui ont des enfants scolarisés, l’école à la maison a été une véritable activité à part entière lors de ce confinement. Se transformant parfois en un vrai casse-tête. Mais on peut remarquer que 72,9% ne pensent pas remettre leurs enfants à l’école au moment du déconfinement. Ce qui est un chiffre tout de même important.


7. Conclusion

En conclusion, les personnes livrent des avis plutôt positifs sur le confinement. Ils approuvent les règles, son efficacité et sa durée. Mais sont, par contre, plus durs envers l’information du gouvernement. Aussi, 39,8% estiment que le déconfinement survient au bon moment, 40,9% trop tôt et 20,5% trop tard. Cette dernière statistique contredit assez les sondages d’opinions nationaux où les Français estiment dans leur majorité que le déconfinement arrive bien trop tard.

Cette enquête nous fait constater que les habitants du territoire ont su s’adapter très rapidement aux changements engendrés par cette crise et le confinement. Et même si le virus n’a pas touché notre département comme d’autres en France, chacun a pris conscience de l’enjeu de cette période en modifiant son mode de vie. Le confinement a apporté un nouveau regard sur nos vies, sur notre travail, sur nos activités, sur notre consommation et sur nos déplacements. En conclusion, nous avons proposé aux participants de nous laisser un témoignage quant à leur confinement. Bien que chacun ait vécu ce moment de manière différente, beaucoup attendent des changements au niveau politique, au niveau économique et au niveau social.

Antoine Dominique – SLA n°653-654-655 Mars-Avril-Mai 2020

Photo du marché : Diana Whitworth-Le Doaré


Témoignages des participants :

« J’ai mis à profit cette période pour ranger, trier en ayant le temps… Lire, jouer, regarder des films et commencer un journal auquel je pensais depuis longtemps. Noter les événements, la progression de la pandémie mais aussi, réfléchir à ce qui se passe au sein de notre famille (nos enfants étudiants sont revenus se confiner à la maison) prendre le temps de mettre des mots sur nos émotions. Après la phase de sidération, de colère, de questionnement (comment allons-nous faire ?) puis d’adaptation, notre petite famille s’est organisée au mieux pour partager du temps ensemble mais aussi respecter les moments d’intimité, de solitude et de travail personnel… [ … ] Nous n’avons jamais vécu une période aussi longue sans aucune sortie culturelle, ni contact familial ou amical… une seule sortie par semaine pour le ravitaillement alimentaire. Je ne sais pas si je l’ai, nous l’avons, « bien » vécu mais ce qui est sûr c’est que cette période ne nous laissera pas indemne… elle laissera des traces : prioriser les décisions, apprendre à relativiser, à prendre du recul, à méditer… J’espère qu’un changement réel des priorités politiques va intervenir ! »


« Les deux premières semaines de confinement ont été plutôt anxiogènes, j’ai pris du recul sur l’information qui circulait et puis je me suis apaisée. Ce confinement me permet enfin de prendre du temps pour moi et ma famille, de vivre à mon rythme et celui de ma famille. »


« Très mal vécu, ayant des problèmes de santé à risques, je ne peux voir ni ma fille, ni mes petits-enfants, sauf en vidéo, mais c’est trop dur, et moralement j’ai du mal, car mon médecin me dit que même après le 11 mai, il faudra que j’attende encore un peu. De plus si ma fille reprend son travail, je suis angoissée, car aussi bien elle que moi, je ne voudrais pas qu’ils reprennent l’école, c’est trop risqué, et comment faire, est-ce que je pourrais les garder, personne n’est capable de me répondre, ni même mon médecin. Alors, on vit dans l’angoisse, j’ai un jardin, mais je sors plus et vis avec des maux de tête pas possible maintenant, c’est trop dur sans la famille, sachant en plus qu’on est qu’à six kilomètres les uns des autres… »


« Pendant l’isolement, je suis resté chez moi avec mon mari. J’ai parfois quitté la maison pour acheter des courses essentielles et pour emmener des ordures aux poubelles ou pour faire une heure d’exercice en traversant la ville. Chez moi, j’ai travaillé au ménage et j’ai travaillé dans le jardin. J’ai gardé contact avec la famille et les amis par téléphone, par courriel, par courrier, face à face. J’ai passé du temps à lire des livres, tricoter et faire des recherches sur mon passé familial. J’ai regardé la télé et les DVD et écouté de la musique. »


« J’ai la chance d’habiter une maison de campagne avec jardin donc le confinement est moins dur à supporter, cependant le manque d’activité sociale impacte le moral. C’est une bonne période pour repenser sa manière de vivre en terme d’alimentation, de déchets, d’impact sur l’environnement. »


« Nous sommes une famille composée de trois personnes, un couple et un enfant de sept ans. Pour le confinement ça ne se passe pas trop mal, nous avons de la chance d’avoir beaucoup de terrain et le beau temps avec nous la plupart du temps. Pour l’école à la maison chez nous ça s’est à peu près bien passé ! Je ne suis pas maîtresse mais je travaille dans les écoles. Mon mari quant à lui c’était un peu plus difficile car son entreprise mécanique ne fonctionne pas depuis le confinement donc on fait tout avec ma petite paye et les courses qui ont triplé, c’est compliqué… La famille, les amis nous manquent énormément à nous trois ! Sinon, nous nous sommes occupés, jardin, travaux, rangement. »


« Je la vis plutôt bien. En mettant à profit ce temps pour moi. Il y a des années, que je n’ai pas eu autant de temps « libre », où je suis seul à décider et organiser mes journées comme je veux. »


« Je l’ai globalement bien vécu. Je suis travailleur indépendant et grâce aux moyens de communication « modernes », j’ai pu continuer mon activité presque normalement. La seule différence étant que je n’ai pas rencontré physiquement mes interlocuteurs. Je l’ai vécu avec beaucoup moins de stress, avec la possibilité de faire chaque chose en son temps, au bon moment, sans une remise en question quotidienne (et encore!) du planning. Je l’ai vécu avec beaucoup d’espoir, que le bon sens reprenne sa vraie valeur, que la nature et la biodiversité retrouvent leur place. J’espère que la société – dont je fais partie – ne sera pas amnésique … »


« Très difficile de ne pas avoir de lien social, une solidarité s’est formée pour autant j’espère qu’elle perdurera ! Je remercie la municipalité de Monflanquin pour tout ce qu’elle a mis en œuvre pour la population ! »

« Dans le milieu familial, nous avons pris cette période comme un cadeau et une opportunité de faire à la maison et ensemble, ou chacun pour soi, ce que nous n’avons pas l’habitude de faire. Il est cependant difficile de se sentir si surveillés et de ne pas vivre les choses essentielles en relation avec les autres (notamment avec les autres familles avec enfants). »


« Peu de changements pour moi dans mes habitudes mais ne pas pouvoir prendre ma petite fille est très frustrant et je suis vraiment en manque. Pour compenser un peu j’enregistre des petites vidéos personnelles où je lui parle et lui raconte des histoires en m’appuyant parfois sur des petits livres ou des contes sur YouTube. Elle aime beaucoup. On communique aussi par WhatsApp mais ça la perturbe, elle n’a que deux ans et ne doit pas comprendre pourquoi elle ne peut pas venir chez son papi et sa mamie. Mais je prends sur moi car je sais qu’il y en a qui souffrent beaucoup plus, j’ai conscience d’être privilégiée. »


« Une remise en question sur moi, sur la France, et sur le monde. Moi et mon mari, nous n’avons pas de problèmes d’argent, de travail, pas de soucis pour les enfants ni les petits enfants (on n’en a pas) mais cette catastrophe sanitaire et économique me déprime, me dérange profondément. Difficile, dans la petite bulle sympathique et tranquille de Monflanquin d‘intégrer le fait que quelque chose d’énorme se passe mais cela pèse lourd. Trop de temps à me morfondre, à tout mettre en question. Les activités qui normalement m’aident à garder le moral et qui rythment ma vie ne sont plus là. Je lis, je sors marcher une heure presque tous les jours, je suis beaucoup sur Internet, je regarde plus que d’habitude la télé. Mais je n’ai pas à me plaindre – je fais partie des privilégiées. Je félicite la mairie de Monflanquin (et le gouvernement!) pour leur gestion de cette crise qui est inédite et incroyablement difficile et presque impossible à gérer. »


« Jusque-là, je vis plutôt bien cette période difficile même si je la vis toute seule. Je suis très en forme et n’ai jamais été inquiète pour ma santé. Mon mari est confiné à Paris chez notre fils. Notre fille est infirmière à Bordeaux. Elle est en première ligne face à la pandémie. Même si je communique avec mes enfants et mon mari par téléphone, Skype ou WhatsApp, ne pas les avoir près de moi depuis le 17 mars est une grande frustration. Moi qui ai vécu dans une pièce de 12 m2 au début de ma vie active, j’apprécie la chance qui m’est donnée d’être confinée dans une grande maison à la campagne entourée d’un immense jardin. Le temps s’écoule comme entre parenthèses : les activités habituelles sont suspendues, je suis davantage à l’écoute de mes voisins. Je passe mon temps à jardiner, à lire, à écouter beaucoup de musique mais je n’en profite surtout pas pour faire plus de ménage qu’auparavant… Ah, une chose très positive ! Ne pas avoir à se laisser embrasser sur la joue par certaines personnes… »


« Comme une pause dans une vie très centrée vers l’extérieur, au propre et au figuré. Comme un temps de réflexion sur qu’est-ce qui est réellement important Comme une épreuve de patience dont je suis assez fière Comme une expérience de merde en ce qui concerne les visio-conférences avec les institutions Comme un temps de découverte de mon espace naturel au jardin Comme une délectation pour lire presque tout ce qui m’attendait depuis des années Comme le sentiment que sans les autres je ne me sens pas entière… »


« Étant retraité à la campagne je me sens plutôt favorisé. Seul regret, ne pas avoir pu profiter des petits-enfants comme en temps normal pendant les vacances. La convivialité du sport et d’autres associations me manquent aussi. »


« Étant soignante, je pense que trop de gens ne respecte pas… trop de pression sur le personnel soignant et aucune reconnaissance, ce ne sont pas des applaudissements que l’on attend. »


Témoignages recueillis lors du sondage.